En novembre 2020, Navy remportait la Finale Régionale Auvergne-Rhône-Alpes de Buzz Booster se tenant à Bizarre !

C'est au Flow à Lille que devait se dérouler la Finale Nationale du dispositif le 30 mai dernier.
La crise sanitaire en aura décidé autrement. Ce ne seront pas des prestations publiques en conditions réelles qui départageront les participants, mais une captation vidéo de 15 minutes qui devra convaincre le jury. Le nom du vainqueur de la Finale Nationale sera dévoilé début décembre..

Après un concert d'ouverture de saison à Bizarre ! début octobre, NAVY a poursuivi sa résidence pour préparer cette Finale de Buzz Booster "remixée".
Rencontre.

 

 

 

Peux-tu nous raconter tes débuts dans le rap ?

 

Navy : À la base je jouais du saxo et du piano en école de musique. Mais ça m’a rapidement lassé donc j’ai tout arrêté. À force d’écouter du rap, je me suis dit « peut-être que c’est ce genre de musique que j’ai envie de reprendre », tout en enlevant le côté « cours », en restant dans mon coin, et en faisant mes bails. J’ai commencé à rapper comme ça, avec un pote, et on a fait un duo tous les deux. On a commencé à sortir des sons. Je bossais déjà avec Arthur à ce moment-là. (NDLR : Arthur est le producteur/batteur du projet Navy). Puis on a rencontré un autre gars, on a fait un trio et ça a duré 2 ans. Après ça, je me suis lancé en solo.

 


 

Comment définis-tu ton identité musicale ?


Navy : Je commence à me définir ouais.. Rires.
Arthur : Dis-le, tu le sais. Tu le connais le style !
Navy : Il y a un style assez brut dans le sens ou ça kick, j’ai gardé ces codes-là. Il y a un côté musical de par cette sensibilité instrumentale qui m’apporte de ouf, du coup je me laisse emporter vers des petites mélodies mais ça reste très rap de base, un peu chanté quand je peux. Je ne sais pas si c’est vraiment un style. Ce que dit Arthur, c’est qu’on s’est trouvé un petit délire. On écoutait une prod, et je lui disais « Ça sonne Baggy de ouf ». Donc on est partis sur un délire un peu baggy, baggy trap.
Arthur : C’est plus un mood qu’un style de rap tu vois.
 

 

 


Comment en es-tu arrivé à franchir les portes de Bizarre ! ?

 

Navy : La première fois que je suis venu, c’était pour Buzz Booster. Ma manageuse m’avait inscrit à Buzz Booster sans que je le sache. J’étais encore en voyage quand elle m’a appelé, elle m’a annoncé que j’étais sélectionné pour la finale régionale. Du coup je lui ai dit « vas-y, trop cool » Rires. On n’avait pas encore fait de résidence à Bizarre ! à ce moment-là. Je suis arrivé là pour la finale, j’ai remporté Buzz Booster et après, Thomas (NDLR : Thomas Prian, ancien chargé de programmation à Bizarre !)  m’a un peu greffé au Plan B ! (NDLR : un dispositif d'accompagnement artistique pour les artistes émergents)  et à tout ce qui pouvait m’enrichir. Du coup j’ai commencé à squatter pas mal et vu qu’il m’accompagnait, je suis revenu sur des résidences et sur des concerts. Je ne connaissais pas du tout la salle avant de venir pour Buzz Booster.

 

 

Sur quels aspects de ton set travailles-tu lors de ta résidence ?       

 

Navy : Sur d’autres résidences, on a beaucoup bossé sur tout ce qui est son, arrangements de son par rapport à la scène. On était pas mal avancés par rapport à la prestation musicale en tant que telle. Ce qui me manquait énormément, c’était la partie visuelle du spectacle. D’autant plus que là, c’est filmé. Du coup ça va énormément jouer. Si tu te fais chier visuellement, tu te fais chier tout court. On a bossé sur la communication entre nous, nos placements, sur la manière de retranscrire par le corps, les émotions que la musique transmet. Pour finir, on a travaillé l’appropriation du lieu. On a bougé la batterie, intégré un canapé, on a mis une estrade. On fait en sorte d’intégrer vraiment la scène pour qu’on s’y sente bien et pour que ce soit construit. On ne veut pas juste qu’Arthur soit derrière à la batterie et que moi je rappe devant. On veut vraiment utiliser tout l’espace et se construire un univers pour que ce soit le plus riche et le plus visuel possible.

 

Tu nous présentes ton équipe ?     

 

Navy : Du coup il y a NuTone (Arthur) qui est mon producteur attitré pour le projet Navy.

Arthur : Attitré ?! Rires.

Navy : Ça m’arrive de faire des écarts on va dire. Rires. Mais à titre officiel, c’est lui qui me suit sur les projets.

B ! : Vous vous faîtes des infidélités donc !

Navy : Rires. Ouais c’est un peu ça, mais de son côté aussi donc ça va, on accepte !

Arthur : Ouais on est un peu libertins sur la musique. Rires. Mais depuis la fin du confinement, on est très soudés. On travaille sur le storytelling de l’album, on le construit track par track en fonction de ce que Navy raconte dans ses textes et j’ai construit la musique en fonction de ça aussi. Petit à petit, ça a arrêté d’être « je lui donne des prod et il fait ses trucs », c’est vraiment devenu un projet musical commun.

Navy : Plus qu’un producteur, c’est un binôme. On construit la musique ensemble. Arthur m’accompagne aussi en tant que batteur sur scène. Et Robin est l’ingé son du groupe et nous suit sur toutes les dates. L’équipe proche, c’est ça. Et si, Marty ! Putain j’oublie Marty, le fréro, l’oncle, le tonton. Mon réalisateur qui me suit sur tous mes visuels ou presque, et avec qui je suis en train de construire un truc. Je ne lui demande pas simplement un clip et il le fait, non, on construit vraiment les choses ensemble. C’est une équipe assez proche, assez soudée qui crée un projet commun.

 

 

Un mot sur tes projets en cours/à venir ?

 

Navy : On prépare la finale nationale de Buzz Booster qui est très importante pour nous. On est très chauds, ça va être très cool ! Ça c’est la première étape, et après on est en train de préparer un album aussi. On prépare le deuxième projet sous le nom de Navy, qui sera un projet plus construit, plus à thème. On essaye vraiment de creuser un univers et de construire une histoire à travers ça pour créer quelque chose de plus consistant et travaillé. Vu qu’on a grave le temps de bosser le projet avec le Covid, on prend le temps d’aller creuser dans les détails et d’en sortir le meilleur de chaque son. Les clips vont en découler.

 

Beaucoup de rappeurs travaillent en duo avec un DJ ou un backeur. Pourquoi avoir choisi d’intégrer un batteur/des musiciens ?

 

Arthur : Il n’a pas eu le choix miskine ! Rires.

Navy : En gros ce qui s’est passé, c’est qu’Arthur vient de la batterie, il excelle dans ce domaine donc c’était un peu une évidence de base. Il s’est proposé pour assurer cette partie-là et moi c’est quelque chose qui me parlait de ouf car je viens aussi de l’école instrumentale. Ça me parle, et lui avec son groupe Supa Dupa aussi. On a pu les intégrer à certains concerts. Pour moi, c’est un plaisir de jouer avec des zikos, c’est quelque chose qui m’intéresse de ouf et je kiffe jouer avec eux. C’est des putain de gars, Arthur il est trop chaud et ça apporte un truc en plus ! Ça nous aide à nous démarquer aussi par rapport à cette formation classique qu’on peut voir dj/backeur.

Arthur : Même en termes de délire musical commun, on veut défendre ce versant du rap où on aborde pas forcément les prod et la musique de la même manière, où ça va partir souvent de sources acoustiques, ou s’il n’y en a pas de base, on va en ajouter.  C’est aussi une manière, un peu plus en soum, de délivrer ça en concert. De travailler plus spécifiquement la scène. Et tout à l’heure, Navy a employé le mot « brut ». Le fait que la drum soit associée au rap, ça marche bien, c’est deux choses qui vont ensemble. La base du Hip Hop vient de là, des sampling de scud de Funk dans les années 70/80, il y a un côté ultra brut sur les moments où il va y avoir rap/batterie, où on va se regarder et s’envoyer de l’énergie. Je suis un peu son backeur à la batterie.

Navy : C’est ce qui crée aussi l’authenticité du truc. Ça aurait été trop con de passer à côté de ça. Lui c’est sa force, moi ma force c’est le rap, vas-y on fusionne les deux et on en fait quelque chose.

 

 

Quelles-sont les conséquences de la crise sanitaire dans l’avancée de ton travail en tant qu’artiste ?

 

Navy : Bah les scènes, les dates ! Il y a eu pas mal de dates qui ont été reportées ou annulées, notamment à Bizarre ! avec vous. Buzz Booster qui est passé d’un week-end de fou à une captation vidéo. On était censés faire pas mal de rencontres, que ce soit des rappeurs ou des gens dans le milieu. C’est dommage, même pour l’ambiance du truc, de partir en week-end, j’aurais kiffé de ouf. La crise sanitaire ne joue pas trop sur les tournages. Nous ça nous laisse plus de temps pour la partie studio, création musicale. Il y a quand même du bon à prendre, il faut qu’on voie le bon dans tous les cas ! Donc on l’utilise de cette manière-là.
 


Quelle est ta plus grande inspiration musicale ?

 

Navy : Un artiste non, pas vraiment. Si ! Dans la technique du rap pur et dur Alpha. Alpha il me met des gifles, il m’a toujours mis des gifles depuis que j’ai commencé à l’écouter. Techniquement en français, c’est celui qui m’a le plus marqué et qui m’a fait pas mal progresser dans ce délire de flow et de technique. Musicalement, ce serait plus de l’autre côté de l’Atlantique. Toute cette école du label Dreamville Records qui bosse avec des artistes comme Bas et J. Cole.

Arthur : Kendrick, Jay Rock.. Pour moi ces mecs-là, c’est l’héritage de musiciens, sampling de jazz. C’est eux qui représentent ce versant du rap aujourd’hui. Et nous je pense qu’on vient de cette école-là. Mes plus grosses inspirations en termes de prod c’est tout ce qui tourne autour de Kendrick, J. Cole, Reason, Bas. Tout ce qui va sonner moins trap midi, moins bling. Plus des choses qui découlent du jazz et de la musique instrumentale.

Navy : C’est ça qui me gêne un peu dans le rap français, c’est que le côté musical n’est pas assez exploité. À part deux trois artistes genre les gars de l’Or du Commun, Swing musicalement il est très très chaud. Je ne saurais pas te dire s’il m’inspire, mais en tout cas je le trouve super chaud dans l’aspect musical et il bosse aussi avec un beatmaker qui est bien dans ce délire là aussi.

 

 

Une punchline qui a beaucoup de sens pour toi ?

 

« J’irai loin et surtout j’irai vite, car je suis jeune et fou. »

Elle est dans le morceau « Loin » et dans ce son, j’ai tout craché, j’ai dit tout ce que je pensais à ce moment-là de ma vie. C’est un morceau qui représente beaucoup de choses pour moi. Il contient pas mal de punchlines « J’plaque tout ici, je me barre comme un clodo ». Tous ces trucs-là qui représentaient mon départ en voyage, toute cette période de ma vie où j’ai lancé le projet Navy. C’est un son qui regroupe pas mal de punch qui me parlent beaucoup.

 

 

 

Ta musique du moment ? / Le dernier son que tu as écouté

Chrome Benzo de Jeshi.

 

 

La question de la fin (roulements de tambours...) :
À ton avis, il est comment le monde d'après ? 

 

Navy : Faut garder espoir ! Le monde il a toujours sa beauté et si je ne gardais pas cet espoir pour ce monde, je ne ferais pas tout ce que je fais et je ne serais pas dans la dynamique dans laquelle je suis, donc je suis obligé de l’avoir. Je pense qu’à un moment ou à un autre, on va s’en sortir. En tout cas de cette merde de Covid. J’ai beaucoup d’ambition, j’ai envie de faire plein de trucs, j’ai envie de progresser, j’ai envie d’évoluer. Pour moi, ça a à peine commencé en fait, donc le monde de demain il est encore plus beau pour moi.

Arthur : On se bat parce qu’il y a un après.

Navy : Il faut voir la positivité dans chaque chose, et pour moi la positivité c’est mon art. C’est tout ce qui est possible d’en faire et c’est ce qui me donne de la force, cette marge d’évolution et tout est possible !

 

 

 

Crédit photos : Header de page - NAVY / Corps de page - LA MACHINERIE